Du 3 au 18 mai 2014, c’est la Quinzaine du Commerce Equitable. Pendant 2 semaines, des entreprises, des associations et des collectivités locales organisent des événements afin de sensibiliser le public à la démarche de commerce équitable.
Chez MAROU, Faiseurs de Chocolat, on pratique un partenariat commercial éthique et responsable depuis le début. Cependant, aucun label Fair Trade n’est présent sur les tablettes. Pour en parler, je suis allée poser quelques questions à Samuel et Vincent, créateurs de la marque.
Comment définiriez-vous le concept MAROU ?
Marou est une fabrique de chocolat artisanale travaillant selon le principe ‘de la fève à la tablette’ c’est-à-dire que nous produisons notre chocolat directement à partir des matières premières qui sont pour nous le cacao et le sucre. Nous avons aussi la particularité (et peu d’autres chocolateries la partagent dans le monde) de fabriquer notre chocolat là où pousse le cacao (et la canne à sucre d’ailleurs!) donc tous nos ingrédients sont locaux, ce qui nous permet d’une part de travailler en direct avec les fermiers qui font pousser le cacao et d’autre part de procéder à une sélection particulièrement poussée lorsque nous achetons le cacao chez eux.
Qu’est-ce que le commerce équitable, pour vous ?
Ce sont plusieurs choses: d’abord payer un bon prix. Un bon prix ce n’est pas quelque chose d’abstrait: ça prend en compte le prix du marché (en particulier ce que le fermier pourrait gagner s’il privilégiait d’autres cultures à celle du cacao), la qualité du produit, le travail nécessaire pour assurer cette qualité.
Mais un bon prix ne fait pas tout, pour nous il est également important d’être là régulièrement: il ne sert à rien de payer plus que les autres si nous ne faisons que passer en touriste chez le fermier, c’est pour ça que nous essayons d’avoir des liens les plus réguliers possibles avec nos fermiers: nous les connaissons par leur nom, leur famille, nous avons avec eux des liens qui vont au-delà du commerce.
Ceci n’est possible que parce que nous travaillons en direct avec eux, sans intermédiaire. Travailler avec des intermédiaires n’est pas en soi un mal, mais il y a un avantage certain à travailler en direct, c’est d’ailleurs pour cela que nous soutenons avec d’autres une initiative comme Direct Cacao.
Comment avez-vous trouvé les producteurs de cacao avec lesquels vous travaillez ?
Au début on est parti en moto sur les chemins… Et puis rapidement on a embauché un ami vietnamien pour nous aider, M. Hoa. Maintenant on commence à avoir une certaine notoriété dans les provinces où nous achetons du cacao donc il arrive assez souvent que des fermiers viennent à nous. Au niveau de la sélection on est partis sur les fermiers qui avaient déjà de bons résultats, qui produisaient du bon cacao et qui faisaient un travail soigné et on a cherché à les encourager dans cette voie qualitative, qui va un peu à l’encontre de ce qui avait été planifié par les initiateurs du cacao au Vietnam.
Comment travaillez-vous avec eux ?
Cela dépend des fermiers, il y a une certaine hétérogénéité dans la taille des exploitations, mais en gros, quand on a une bonne relation avec un fermier celui-ci nous contacte dès qu’il a en stock une quantité de cacao suffisante pour justifier le déplacement, ça peut varier de 300kg à une tonne ou plus. On cale une date de visite et on débarque avec nos ‘guillotines’ (les appareils servant à faire des tests de coupe sur le cacao). Là on va ouvrir chacun des sacs de cacao. Un sac correspond généralement à une cuvée de fermentation, et selon la taille des cuves ça représente donc entre 30 et 80kg de cacao. On vérifie la qualité du cacao olfactivement (le nez dans le sac comme le Gringo de Jacques Vabre mais en vrai!), puis on prend un échantillon de 50 fèves par sac et on coupe pour voir à l’intérieur si la qualité du cacao est à la hauteur de nos attentes. Donc on trie sac par sac et à la fin on pèse et on fait le total, à la fin on paye directement le fermier pour tout le cacao acheté. Les sacs que nous n’avons pas retenus seront revendus au prix normal du marché à d’autres acheteurs. C’est ce qu’on appelle avoir le ‘premier choix’.
Pourquoi cette démarche de commerce équitable ?
Je dirais qu’avant d’être une démarche de commerce équitable c’est avant tout une démarche de qualité: on fait un chocolat qu’on espère être exceptionnel avec des moyens de production tout à fait ordinaires: notre secret, et ce n’est pas un secret du tout, c’est la qualité du cacao que l’on se procure. Et la qualité elle est chez les fermiers, on la cultive ensemble avec eux, en leur faisant comprendre tout simplement que nous sommes prêts à payer plus pour une qualité supérieure.
Pourquoi ne faites-vous pas appel aux organismes de certification du commerce équitable pour vos tablettes de chocolat ?
C’est difficile à expliquer, mais je pense que nous avons un problème avec l’ensemble du concept de certification. Connaissant la manière dont nous travaillons, il nous semble un peu absurde d’avoir à payer quelqu’un pour nous dire que nous faisons bien les choses… Nous comprenons pourquoi la certification existe et comment elle peut aider dans certains cas, en particulier lorsque vous avez affaire à d’énormes acheteurs qui exercent un pouvoir énorme par rapport aux agriculteurs, mais nous ne nous reconnaissons pas dans ce scénario: nous ne sommes pas beaucoup plus grand que nos producteurs, et nous nous sentons vraiment plus à l’aise en dehors de ce système. J’espère que nos clients ont confiance en la manière dont nous disons travailler et nous encourageons vraiment chacun à venir vérifier par lui-même.
Est-ce que vous conseillez aussi les producteurs de cacao sur la façon de le cultiver et/ou sur les conditions de travail ?
Oui, dans la mesure de nos compétences… Quand j’étais petit ma grand-mère faisait de la soupe, tous les jours, et mon grand-père qui aurait été bien en peine de faire la soupe lui-même, passait invariablement dans la cuisine vers le coup de 10h pour goûter la soupe et donner son avis (un peu plus de sel…). Parfois j’ai l’impression qu’on est un peu dans le rôle de celui qui est là pour mettre son grain de sel. La création de notre propre centre de fermentation a malgré tout changé la donne parce qu’on connait aujourd’hui mieux les tenants et les aboutissants de la fermentation et du séchage du cacao. Pour la culture des arbres on fait surtout un travail de comparaison d’une ferme à l’autre et d’une région à l’autre, ça nous permet de comparer les avantages de telle ou telle approche.
En ce qui concerne les conditions de travail, bien sûr c’est une tâche physique de passer dans les allées et de ramasser les cabosses mûres, d’écabosser, de mettre le cacao à sécher, mais il n’y a pas de travail des enfants ou d’autres problèmes qui existent dans d’autres pays où le cacao est cultivé. On est plutôt inquiets de la moyenne d’âge avancée de nos fermiers (le plus jeune a une quarantaine d’années, la plupart ont entre 50 et 65 ans).
Un conseil aux amateurs de chocolat ?
Intéressez-vous au chocolat qui vous fait plaisir. Essayez de comprendre d’où il vient et comment il est fabriqué. Il y a de plus en plus de choses intéressantes dans le monde du chocolat : le mouvement bean-to-bar lance un défi aux producteurs industriels et pour la première fois les amateurs de chocolat ont vraiment le choix entre différentes origines de cacao, différentes techniques de fabrication, de goûts et de textures. Allez parler à un chocolatier, un vrai est intarissable sur son cacao!